Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/239

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de sympathiser, une sorte de lutte mystérieuse qui les émeut profondément. Pressées de s’adopter, mais incertaines et craintives, ces âmes sœurs s’appellent et se repoussent en même temps. Elles cherchent à se saisir et craignent de se laisser étreindre. La haine et l’amour sont alors des passions également imminentes, également prêtes à jaillir comme l’éclair du choc de ces natures qui ont la dureté du caillou, et qui, comme lui, recèlent le feu sacré dans leur sein.

Simon Féline ne put s’expliquer l’effet que cette femme produisit sur lui. Il eut besoin de toute sa force pour soutenir un regard qui en cet instant sans doute rencontrait le seul être auquel il pût faire comprendre toute sa puissance. Ce regard, qui n’avait probablement rien de surnaturel pour le vulgaire, fit tressaillir Féline comme un appel ou comme un défi ; il ne sut pas lequel des deux ; mais toute sa volonté se concentra dans son œil pour y répondre ou pour l’affronter. Le visage de la femme inconnue n’avait pourtant rien qui ressemblât à l’effronterie ; son front semblait être le siége d’une audace noble ; le reste du visage, pâle et d’une régulière beauté, exprimait un calme voisin de la froideur. Le regard seul était un mystère ; il semblait être le ministre d’une pensée scrutatrice et impénétrable. Simon était d’une organisation délicate et nerveuse ; son émotion fut si vive que son trouble intérieur produisit quelque chose comme un sentiment de colère et de répulsion.

Tout cela se passa plus rapidement que la parole ne peut le raconter ; mais, depuis le moment où elle leva son ombrelle jusqu’à celui où elle la baissa lentement sur son visage, tant d’étonnement se peignit sur celui de Simon que le comte de Fougères en fut frappé. Il attribua à la seule admiration la fixité du regard de sa nouvelle connaissance et la légère contraction de sa bouche.