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Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/240

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« C’est ma fille, lui dit-il d’un air de vanité satisfaite, mon unique enfant ; c’est une Italienne. J’aurais voulu l’élever un peu plus à la française ; mais son sexe la plaçait sous l’autorité plus immédiate de sa mère…

— Vous vous êtes marié en pays étranger ? « demanda Simon, qui dès cet instant affecta des manières très-assurées, sans doute pour faire sentir à mademoiselle de Fougères qu’elle ne l’avait pas intimidé.

Le comte, qui n’aimait rien tant que de parler de lui, de sa famille et de ses affaires, satisfit la curiosité feinte ou réelle de son interlocuteur.

« J’ai épousé une Vénitienne, répondit-il, et j’ai eu le malheur de la perdre il y a quelques années ; c’est ce qui m’a dégoûté de l’Italie. C’était une Falier, grande famille qui reçut une rude atteinte dans la personne de Marino, le doge décapité ; vous savez cette histoire ? Les descendants ont été ruinés du coup, ce qui ne les empêche pas d’être d’une illustre race… Au reste, ce sont là des vanités dont la raison de notre siècle fait justice. Ce qui fait la véritable puissance aujourd’hui, ce n’est pas le parchemin, c’est l’argent… Eh ! eh ! n’est-ce pas, monsieur Féline ? Non è vero, Fiamma ?

E l’onore, » prononça derrière l’ombrelle une voix à la fois mâle et douce, qui fit tressaillir Simon.

Ce timbre pectoral et grave des femmes italiennes, indice de courage et de générosité, n’avait jamais frappé son oreille. Quand une Française n’a pas une voix flûtée, elle a une voix rauque et choquante. Il n’appartient qu’aux ultramontaines d’avoir ces notes pleines et harmonieuses qui font douter au premier instant si elles sortent d’une poitrine de femme ou de celle d’un adolescent. Cet organe sévère, cette réponse fière et laconique, détruisirent en un instant les préventions défavorables de Simon.