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Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/261

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et lui répondit : « Êtes-vous bien sûr que je ne sache pas l’italien ? » Il fut impossible d’en obtenir autre chose.



VI.


Par une belle matinée du printemps de 1825, Simon étant sorti avec son fusil donna la chasse à un de ces milans de forte race qu’on trouve dans la Marche. Cousins germains de l’aigle, presque aussi grands que lui, ils en ont le courage et l’intelligence. Les enfants qui peuvent s’en emparer dans le nid les élèvent et les habituent à chasser les souris de la maison. Ils deviennent très-familiers et très-doux. J’en ai vu un qui prenait très-délicatement des mouches sur le visage d’un enfant endormi, en l’effleurant de ce bec terrible dont il déchirait les lapereaux et les couleuvres.

Simon, ayant cru blesser légèrement sa proie, la vit s’éloigner et se perdre, et continua sa promenade. Au bout de quelques heures, il repassa par la même gorge ; et comme il pensait à toute autre chose, il vit tout à coup mademoiselle de Fougères qui descendait précipitamment la colline au-dessus de lui, en lui criant : « Arrêtez-le, arrêtez-le ! il est à vos pieds ! » Il crut qu’elle avait laissé échapper son cheval et se pencha sur le ravin pour le chercher ; mais il n’aperçut rien, et, reportant ses regards sur mademoiselle de Fougères, il vit qu’elle venait à lui en courant toujours, et qu’elle avait les mains et la figure ensanglantées. Soit l’effet de la compassion qu’éprouve un noble cœur à l’aspect de la souffrance, soit la douleur de voir une si belle créature en cet état, Simon fut surpris d’une angoisse inexprimable en pensant qu’elle venait de faire une chute de cheval. Il s’élança vers elle pour la secourir ; mais son visage n’exprimait point la souffrance ; elle avait le teint animé d’un éclat