Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/268

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— Je suis à la fois l’un et l’autre, reprit Simon. Voulez-vous prendre mon bras ?

— Ce n’est pas la coutume de mon pays, répondit Fiamma. Chez nous, les femmes n’ont pas besoin de s’appuyer sur un défenseur. Le peuple ne les coudoie pas. Nous sortons seules et à toute heure. Personne ne nous insulte. On nous respecte parce qu’on nous aime. Ici, on ne nous distingue des hommes que pour nous opprimer ou nous railler. C’est un méchant pays que votre France. J’espère que vous valez mieux qu’elle.

— Faites une révolution en Italie, répondit Simon, et j’irai m’y faire tuer sous vos drapeaux. »

Tout en parlant ainsi ils arrivèrent à la lisière du bois. Fiamma appela son cheval à plusieurs reprises, et bientôt il fit entendre le bruit de son sabot sur les cailloux. Comme elle avait les mains empaquetées, Simon l’aida à monter et la conduisit jusqu’à l’entrée du vallon en tenant Sauvage par la bride. Chemin faisant, ils échangèrent, en peu de paroles, les confidences de toute leur vie. C’était une histoire bien courte et bien pure de part et d’autre. Ils étaient du même âge. Fiamma avait chéri sa mère comme Féline chérissait la sienne. Depuis qu’elle l’avait perdue, elle avait vécu à la campagne dans une villa que son père avait achetée entre les bords de l’Adriatique et le pied des Alpes. Là, Fiamma s’était habituée à une vie active, aventureuse et guerrière, tantôt chassant l’ours et le chamois dans les montagnes, tantôt bravant la tempête sur mer dans une barque, et toujours se nourrissant de l’idée romanesque qu’un jour peut-être elle pourrait faire la guerre de partisan dans ces contrées dont elle connaissait tous les sentiers. L’absence de M. de Fougères, qui était venu en France pour racheter ses terres, l’avait laissé maîtresse de ses actions, et son indépendance naturelle avait pris un développement qu’il