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Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/272

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rencontre sur la colline, le feu divin caché sous le voile de cette mystérieuse Isis ; comment cette voix généreuse qui avait prononcé avec un accent si ferme le mot d’honneur à son oreille n’avait pas éveillé jusqu’au fond de ses entrailles le sentiment d’une fraternité sainte ; puis, il se l’expliquait en se disant qu’une femme comme elle était la réalisation d’un si beau rêve, qu’en touchant à cette réalité on n’osait pas encore y croire.

Simon ne songea plus à lutter contre son admiration, mais il résolut de s’efforcer à en modérer l’exaltation. Il sentait qu’il lui serait impossible désormais de faire attention à aucune autre femme ; mais il se disait que la société ayant posé une barrière insurmontable entre celle-là et lui, il ne devait pas se nourrir d’illusions auprès d’elle. Mademoiselle de Fougères était indépendante par son caractère et par sa position. Elle était majeure, et sa mère, disait-on, lui avait laissé de quoi vivre. Mais Simon eût rougi de rechercher la main d’une riche héritière. Il se disait qu’au premier mot d’amour d’un jeune bachelier, elle devait s’imaginer nécessairement qu’il avait des vues de séduction méprisables. L’idée seule que l’opinion publique eût pu lui attribuer ces sentiments le faisait frémir de colère et de honte. Il prit donc la ferme résolution, au cas même où mademoiselle de Fougères accorderait plus d’attention à son dévouement qu’il n’était raisonnable de s’y attendre, de s’en tenir avec elle aux termes de la plus respectueuse amitié. Pour cela, il ne fallait pas être surpris par ces émotions irrésistibles qui l’avaient dominé auprès d’elle. Simon espéra en avoir la force ; mais, pour y parvenir, il se décida à s’éloigner pendant quelque temps des lieux qui lui retraçaient trop vivement cette scène d’enchantement. Il partit pour Nevers, où un étudiant de ses amis, récemment reçu avocat, l’appelait pour fêter son installation.