Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/277

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qui savait d’ailleurs que le regard baissé convient à la ferveur de l’officiant, aperçut confusément une femme coiffée de blanc sur le fauteuil. Il pensa que sa négociation avait réussi et se mit à officier tranquillement ; mais lorsqu’au moment réservé à l’explosion de son vaste projet, après avoir descendu les trois marches de l’autel et s’être mis à genoux pour encenser le saint sacrement, il se releva, traversa le chœur et s’avança vers le fauteuil pour rendre le même honneur à mademoiselle de Fougères, selon les us et coutumes de l’ancienne féodalité, il s’aperçut de sa méprise, et son bras resta suspendu entre le ciel et la terre, tandis que toute la congrégation des fidèles, l’œil ouvert et la bouche béante, se demandait la cause des honneurs insolites rendus à la mère Mathurin.

Le jeune curé ne perdit point la tête, et, voyant que mademoiselle de Fougères avait mis un peu d’obstination et de malice dans cette aventure, il lui prouva qu’elle n’aurait pas le dernier mot ; car il se retourna vivement de l’autre côté et se mit à encenser la tribune seigneuriale, comme pour rendre à cette place vide les honneurs dus au titre plus qu’à la personne. Tout le village resta ébahi, et il fallut plus de six mois pour faire adopter la véritable version de cet événement aux commentateurs exténués de recherches et de discussions. Les parents de la mère doyenne ne manquèrent pas de dire qu’elle avait été bénie en vertu d’un ancien usage qui décernait cette préférence aux centenaires, et que M. le curé avait trouvé dans les archives de la commune. Quant à elle, comme elle était à peu près aveugle et dormait plus qu’à demi pendant qu’on lui rendait cet honneur, comme son oreille avait le bonheur d’être fermée pour jamais à toutes les paroles humaines et à tous les bruits de la terre, elle mourut sans savoir qu’elle avait été encensée.