Aller au contenu

Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

repentant de ma faute. C’était la première de ce genre que j’eusse commise, et je ne craignais rien tant qu’un reproche de la signora, quelque doux qu’il dût être. Elle était en train de souper, et je me glissai timidement derrière sa chaise. Je ne la servais jamais à table ; car j’étais resté fier comme un Chioggiote, et j’avais gardé toutes les franchises attachées à mon emploi privilégié. Mais, voulant réparer mon tort par un acte d’humilité, je pris des mains de Salomé l’assiette de porcelaine de

Chine qu’elle allait lui présenter, et j’avançai la main avec gaucherie. Mme Aldini feignit d’abord de ne pas y faire attention, et se laissa servir ainsi pendant quelques instants ; puis, tout d’un coup, rencontrant à la dérobée mon regard piteux, elle partit d’un grand éclat de rire en se renversant sur son fauteuil.

— Votre Seigneurie le gâte, dit la sévère Salomé en réprimant une imperceptible velléité de partager l’enjouement de sa maîtresse.

— Pourquoi le gronderais-je ? repartit la signora. Il s’est fait peur à lui-même ce matin, et, pour se punir, il s’est enfui, le pauvret ! Je parie qu’il n’a pas mangé de la journée. Allons, va souper, Nellino. Je te pardonne, à condition que tu ne chanteras plus.

Ce sarcasme bienveillant me sembla très amer. C’était le premier auquel je fusse sensible ; car, malgré tous les éléments offerts au développement de ma vanité, c’était un sentiment que je ne connaissais pas encore. Mais l’orgueil venait de s’éveiller en moi avec la puissance, et, en raillant ma voix, on me semblait nier mon âme et attaquer ma vie.

Depuis ce jour, les leçons que me donnait à son tour la signora en s’exerçant devant moi me devinrent de plus en plus profitables. Tous les soirs j’allais m’exercer au Champ-de-Mars aussitôt que mon service était fini, et