Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/302

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contre la tyrannie et pour en montrer le chemin. Mais pourquoi s’en va-t-il, et sans nous avoir prévenus ? » ajouta-t-elle avec beaucoup de préoccupation, et comme se parlant à elle-même.

Elle tomba dans une rêverie profonde, et son cheval, qu’elle faisait bondir comme un chevreuil quelques instants auparavant, obéissant à l’impulsion de son bras calme et détendu, se mit à suivre au pas le sentier. Ruggier étonné la vit se pencher devant une roche que baignait l’eau du torrent. C’est là qu’elle s’était assise avec Simon, lorsqu’il avait lavé lui-même le sang de son visage, alors que le torrent, desséché par l’été, n’était qu’un paisible ruisseau. À la vive exaltation qu’elle venait d’éprouver succédèrent des pensées d’un autre genre, et des larmes qu’elle ne put retenir mouillèrent sa paupière. Alors elle laissa tomber tout à fait de ses mains la bride de Sauvage, et le docile animal, obéissant à toutes ses impressions, s’arrêta.

« Adieu, Italie, dit-elle d’une voix étouffée. C’en est fait ! Tu viens de recevoir le dernier clan de mon cœur, la dernière étreinte de mon amoureuse ambition. Montagnes sublimes, patrie bien-aimée, terre poétique, nous ne nous reverrons plus ; c’est ici que je suis enchaînée ; ce rocher abritera mes os.

— Ne vous désespérez pas ainsi, ma vie, mon bien ! s’écria le marquis avec feu, vous me déchirez l’âme. Eh quoi ! le courage vous manque-t-il au moment d’accomplir le vœu de toute votre vie ? Ne suis-je pas à vos pieds ? Ne comprenez-vous pas que mon âme tout entière…

— C’est vous qui ne me comprenez pas, ami Ruggier, interrompit Fiamma ; et puisque vous avez surpris le secret de mes pensées, puisque vous avez vu quelle puissance une ambition enthousiaste et folle exerce sur moi,