Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/326

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crime à grand effet, avec passion, scènes tragiques, mystères, tout ce qui rend le spectacle de la cour d’assises si émouvant pour le peuple. Tout le monde s’étonna de voir que Parquet cédait le monopole de cette matière à succès à un enfant dont on n’espérait pas grand’chose, attendu son extérieur débile et ses manières réservées. La plupart des dilettanti de déclamation faillirent se retirer avec humeur. Simon fit un effort inouï sur le dégoût qu’il éprouvait à se mettre en évidence et sur la timidité naturelle à l’homme consciencieux. Il articula les premiers mots avec une angoisse inexprimable. Ses genoux se dérobaient sous lui ; un nuage flottait autour de sa tête. Plusieurs fois il hésita à se rasseoir ou à s’enfuir. Il avait écrit sur une feuille volante de ses pièces, au moment de se lever : « Cet instant va décider de ma vie. S’il y a une lueur d’espoir, je vais la rallumer ou l’éteindre à jamais. » C’était à Fiamma qu’il pensait. La crise était arrivée ; il allait faire un pas vers elle ou voir un abîme s’ouvrir entre eux. L’importance du succès n’était pas en rapport avec le tort irréparable de la défaite. Avec du talent, il avait une chance pour posséder cette femme ; sans talent, il les avait toutes pour la perdre. Que de motifs de terreur et d’éblouissement !

Mais il avait mis sur son cœur le billet de Fiamma, les trois seuls mots qu’il possédait de son écriture. Il eut confiance en cette relique, et continua, quoique sa parole fut confuse et entrecoupée. Le bon Parquet, assis à ses côtés, était plus à plaindre encore que lui ; il rougissait et pâlissait tour à tour. Il portait alternativement un regard d’anxiété sur Simon, comme pour le supplier d’avoir courage ; puis, comme s’il eût craint d’avoir été aperçu, il reportait son regard terrible et menaçant sur les juges, pour défendre à leurs visages cette expression de pitié ou d’ironie qui condamne et décourage. Enfin,