Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/327

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il se tournait de temps en temps vers le public, pour faire taire ses chuchotements et ses murmures d’un air à la fois imposant et paternel qui semblait dire : « Prenez patience, vous allez être satisfaits ; c’est moi qui vous en réponds. »

Cette agonie ne fut pas longue, Simon eut bientôt pris le dessus. Sa taille se redressa et grandit peu à peu. Sa voix pure et grave prit de la force, sans perdre un reste d’émotion qui lui donnait plus de puissance encore. Son visage resta pâle et mélancolique ; mais ses grands yeux noirs lancèrent des éclairs, et une majesté sublime entoura son front d’une invisible auréole. D’abord on s’étonna de la simplicité de ses paroles et de la sobriété de ses gestes, et on disait encore : Pas mal, lorsque Parquet murmurait déjà entre ses lèvres : Bien ! bien ! Mais bientôt la conviction passa dans tous les cœurs, et l’orateur s’empara de son auditoire au point que l’esprit s’abstint de le juger. Les fibres furent émues, les âmes subirent la loi d’obéissance sympathique qu’il est donné aux âmes supérieures de leur imposer. Ceux qui aimaient le plus la métaphore ampoulée pleurèrent comme les autres, et ne s’aperçurent pas que la métaphore manquait à son discours. Parquet, plus habitué à l’analyse, s’en aperçut, et ne s’étonna pas qu’on pût être grand par d’autres moyens que ceux qu’il avait estimés jusqu’alors. Il avait trop de sens pour ne pas le savoir depuis longtemps ; mais il n’eût pas cru qu’un auditoire grossier pût se passer d’un peu de ce qu’il appelait la poudre aux yeux. De ce moment il se sentit supplanté, et la faiblesse de la nature lui fit éprouver un mouvement de chagrin ; mais ce chagrin ne dura pas plus de temps qu’il n’en fallut pour prendre une large prise de tabac en fronçant un peu le sourcil. En secouant sur son rabat l’excédant de ce copieux chargement, le digne homme