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Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/33

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jours, que, malgré mon respect pour ma maîtresse, je ne pus m’empêcher de faire part de mes commentaires à Mandola.

— Détrompe-toi, me répondit-il ; cette fois, c’est le contraire de ce qui s’est passé avec Lanfranchi. C’est la signora qui se dégoûte du prince et qui trouve chaque soir un nouveau prétexte pour l’empêcher de la suivre. Quelle en est la raison ? Cela est impossible à deviner, puisque nous qui la voyons, nous savons qu’elle est seule et qu’elle n’a aucun rendez-vous. Peut-être qu’elle tourne tout à fait à la dévotion et qu’elle veut se détacher du monde.

Le soir même, j’essayai de chanter à la signora un cantique de la Vierge ; mais elle m’interrompit brusquement en me disant qu’elle n’avait pas envie de dormir, et me demanda les amours d’Armide et de Renaud.

— Il s’est trompé, dit Mandola, qui ne manquait pas de finesse, en feignant de m’excuser.

Je changeai de mode, et je fus écouté avec attention.

Je remarquai bientôt qu’à force de chanter en plein air au balancement de la gondole, je me fatiguais beaucoup et que ma voix était en souffrance. Je consultai un professeur de musique qui venait au palais pour apprendre les éléments à la petite Alezia Aldini, alors âgée de six ans. Il me répondit que, si je continuais à chanter dehors, je perdrais ma voix avant la fin de l’année. Cette menace m’effraya tellement, que je résolus de ne plus chanter ainsi. Mais le lendemain la signora me demanda la barcarolle nationale de la Biondina, d’un air si mélancolique, avec un regard si doux et un visage si pâle, que je n’eus pas le courage de lui refuser le seul plaisir qu’elle parût capable de goûter depuis quelque temps.

Il était évident qu’elle maigrissait et qu’elle perdait de sa fraîcheur ; elle éloignait de plus en plus le prince. Elle passait sa vie en gondole, et même elle négligeait un peu