Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/50

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Ce fut une belle nuit, les étoiles étincelantes tremblotaient dans les petites mares d’eau que la mer avait oubliées sur le palude, la brise murmurait dans les varechs verdoyants. De temps en temps nous apercevions au loin le fanal d’une gondole glissant sur les flots, et nous ne songions plus à l’appeler à notre aide. La voix de l’Adriatique brisant de l’autre côté du Lido nous arrivait monotone et majestueuse. Nous nous livrions à mille rêves enchanteurs, nous formions mille projets délicieusement puérils. La lune se coucha lentement et s’ensevelit dans les flots assombris de l’horizon, comme une chaste vierge dans un linceul. Nous étions chastes comme elle, et elle sembla nous jeter un regard protecteur avant de se plonger dans les eaux.

Mais bientôt le froid se fit sentir, et une nappe de brume blanche s’étendit sur le marais. Je fermai le camerino, j’enveloppai Bianca dans ma cape rouge. Je m’assis tout près d’elle, je l’entourai de mon bras pour la préserver, je réchauffai ses mains et ses bras de mon haleine. Un calme délicieux semblait être descendu dans son cœur depuis qu’elle m’avait presque arraché la promesse de l’épouser. Elle pencha doucement sa tête sur mon épaule. La nuit était avancée ; depuis plus de six heures nous exhalions en discours tendres et passionnés l’ardeur de nos âmes. Une douce fatigue s’empara aussi de moi, et nous nous endormîmes dans les bras l’un de l’autre, aussi purs que l’aube qui commençait à blanchir l’horizon. Ce fut notre nuit de noces, notre seule nuit d’amour, nuit virginale qui ne revint jamais, et dont le souvenir ne fut jamais souillé.

Des voix rudes m’éveillèrent ; je courus à l’avant de la gondole, je vis plusieurs hommes qui venaient à nous. À l’heure du départ pour la pêche, l’embarcation échouée avait été signalée par une famille de mariniers qui m’aida