Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/56

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C’était bien la noblesse titulaire incarnée. Son regard semblait repousser comme la pointe d’une épée, et sa main avait l’air de ne s’être jamais ouverte que pour commander à des inférieurs. Je pris plaisir à le braver.

— Eh bien ! lui disais-je en moi-même, tu aurais eu beau faire, je n’aurais jamais été ton valet. Ton air superbe ne m’eût pas intimidé, et je t’aurais regardé en face, comme je regarde cette toile. Tu n’aurais jamais eu de prise sur moi, parce que mon cœur est plus fier que le tien ne le fut jamais, parce que je dédaigne cet or devant lequel tu t’es incliné, parce que je suis plus grand que toi aux yeux de la femme que tu as possédée. Malgré tout l’orgueil de ton sang, tu as courbé le genou devant elle pour obtenir ses richesses ; et, quand tu as été riche par elle, tu l’as brisée et humiliée. C’est la conduite d’un lâche, et la mienne est celle d’un véritable noble, car je ne veux de toutes les richesses de Bianca que son cœur, dont tu n’étais pas digne. Et moi, je refuse ce que tu as imploré, afin de posséder ce qui est au-dessus de toutes choses à mes yeux, l’estime de Bianca. Et je l’aurai, car elle comprendra combien mon âme est au-dessus de celle d’un patricien endetté. Je n’ai pas de patrimoine à racheter, moi ! Il n’y a pas d’hypothèques sur la chaloupe de mon père ; et les habits que je porte sont à moi, parce que je les ai gagnés par mon travail. Eh bien ! c’est moi qui serai le bienfaiteur, et non pas l’obligé, parce que je rendrai le bonheur et la vie à ce cœur brisé par toi, parce que je saurai me faire bénir et honorer, moi valet et amant, tandis que tu as été maudit et méprisé, toi époux et seigneur.

Un léger bruit me fit tourner la tête. Je vis derrière moi la petite Alezia, qui traversait la galerie en traînant une poupée plus grande qu’elle. J’aimais cet enfant, malgré son caractère altier, à cause de l’amour qu’elle avait