Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/63

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à la rassurer que pour la voir s’affliger davantage, et accuser la destinée comme s’il n’eût pas dépendu de sa volonté d’en tirer un meilleur parti. Puis, une secrète honte brisait cette âme timorée. La dévotion s’emparait d’elle de plus en plus ; son confesseur la gouvernait et l’épouvantait. Il lui défendait d’avoir des amants, et elle qui avait su résister au confesseur, quand il s’était agi de M. Lanfranchi et de M. Montalegri, ne trouvait pas pour moi le même courage. Peu à peu je parvins à lui arracher l’aveu de toutes ses souffrances et de tous ses combats. Elle avait révélé à son directeur tous les détails de notre amour, et il lui avait fait un crime énorme de cette affection basse et criminelle. Il lui avait interdit de penser au mariage avec moi, encore plus peut-être que de s’abandonner à la passion ; et il l’avait tellement effrayée en la menaçant de la repousser du sein de l’Église, que son esprit doux et craintif, partagé entre le désir de me rendre heureux et la peur de se damner, était en proie à une véritable agonie.

Mme Aldini avait eu jusque-là une dévotion si facile, si tolérante, si véritablement italienne, que je ne fus pas peu surpris de la voir tourner au sérieux précisément au milieu d’une de ces crises de la passion qui semblent le plus exclure de pareilles recrudescences. Je fis de grands efforts sur ma pauvre tête inexpérimentée pour comprendre ce phénomène, et j’en vins à bout. Bianca m’aimait peut-être plus qu’elle n’avait aimé le comte et le prince ; mais elle n’avait pas l’âme assez forte ni l’esprit assez éclairé pour s’élever au-dessus de l’opinion. Elle se plaignait de la morgue des autres ; mais elle donnait à cette morgue une valeur réelle par la peur qu’elle en avait. En un mot, elle était soumise plus que personne au préjugé qu’un instant elle avait voulu braver. Elle avait espéré trouver, dans l’appui de l’Église,