Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/91

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féminin, à m’enquérir de son âge de la manière la plus authentique possible. L’habileté croît si rapidement chez le sexe que six mois de plus ou de moins font souvent que la candeur est fourberie ou la fourberie candeur. Jusque-là je m’étais imaginé que la Grimani avait au moins vingt ans ; car elle était si grande, si forte, si brune, et douée dans son regard, dans son maintien, dans ses moindres mouvements, d’une telle assurance, que tout le monde faisait le même anachronisme que moi à son premier abord. Mais, en la regardant mieux, je reconnus mon erreur. Ses épaules étaient larges et puissantes ; mais sa poitrine n’était pas encore développée. S’il y avait de la femme dans toute son attitude, il y avait certains airs et certaines expressions de visage qui révélaient l’enfant. Ne fût-ce que ce robuste appétit, cette absence totale de coquetterie, et l’inconvenance audacieuse du tête-à-tête qu’elle s’était réservé avec moi, il devint manifeste à mes yeux que je n’avais point affaire, comme je l’avais cru d’abord, à une femme orgueilleuse et rusée, mais à une pensionnaire espiègle, et je repoussai avec horreur la pensée d’abuser de son imprudence.

Je restais plongé dans cet examen, oubliant de répondre à la provocation significative que je venais de recevoir. Elle me regarda fixement, et cette fois je ne songeai pas à éviter son regard, mais à l’analyser. Elle avait les plus beaux yeux du monde, à fleur de tête, et très ouverts ; leur direction était toujours nette, brusque et saisissant d’emblée l’objet de l’attention. Ce regard, très rare chez une femme, était absolu et non effronté. C’était la révélation et l’action d’une âme courageuse, fière et franche. Il interrogeait toutes choses avec autorité, et semblait dire : « Ne me cachez rien ; car, moi, je n’ai rien à cacher à personne. »

Lorsqu’elle vit que je bravais son attention, elle fut