Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/92

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alarmée, mais non intimidée ; et, se levant tout d’un coup, elle provoqua l’explication que je voulais lui demander.

— Signor Lélio, me dit-elle, si vous avez fini de déjeuner, vous allez me dire ce que vous êtes venu faire ici.

— Je vais vous obéir, signora, répondis-je en allant ramasser son assiette et son verre qu’elle avait posés sur le parquet, et en les reportant sur le piano ; seulement, je prie Votre Seigneurie de me dire si l’accordeur de piano doit, pour vous répondre, s’asseoir devant le clavier, ou si le comédien Lélio doit se tenir debout, le chapeau à la main, et prêt à se retirer, après avoir eu l’honneur de vous parler.

— Monsieur Lélio voudra bien s’asseoir sur ce fauteuil, dit-elle en me désignant un siège placé à droite de la cheminée, et moi, sur celui-ci, ajouta-t-elle en s’asseyant du côté gauche, en face de moi, à dix pieds environ de distance.

— Signora, lui dis-je en m’asseyant, il faut, pour vous obéir, que je reprenne les choses d’un peu haut. Il y a environ deux mois, je jouais Roméo et Juliette à San Carlo. Il y avait dans une loge d’avant-scène…

— Je puis aider votre mémoire, reprit la Grimani. Il y avait dans une loge d’avant-scène, à droite du théâtre, une jeune personne qui vous parut belle ; mais, en la regardant de plus près, vous trouvâtes que son visage était si dépourvu d’expression, que vous vîntes à vous écrier… en parlant à une de ces dames du théâtre, et assez haut pour que la jeune personne l’entendît…

— Au nom du ciel ! signora, interrompis-je, ne répétez pas les paroles échappées à mon délire, et sachez que je suis sujet à des irritations nerveuses qui me rendent presque fou. Dans cette disposition, tout me porte ombrage, tout me fait souffrir…