Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/94

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dit que je vous avais bien mal regardé sur la scène ; car vous me paraissiez alors plus jeune de dix ans ; et aujourd’hui je ne vous trouve pas plus âgé que vous ne m’aviez semblé au théâtre ; seulement je vous trouve l’air malade, et je suis bien affligée d’avoir été un sujet d’irritation pour vous…

Je rapprochai involontairement mon fauteuil ; mais aussitôt mon interlocutrice reprit son ton railleur et fantasque.

— Passons à la seconde partie de votre histoire, monsieur Lélio, me dit-elle en jouant de l’éventail, et veuillez m’apprendre comment, au lieu de la fuir, vous êtes venu jusqu’ici relancer cette personne dont la vue vous est si odieuse et si funeste.

— C’est ici que l’auteur s’embarrasse, répondis-je en reculant mon fauteuil, qui roulait très aisément au moindre mouvement de la conversation. Dirai-je que le hasard seul m’a conduit ici ? Si je le dis, Votre Seigneurie le croira-t-elle ; et si je dis que ce n’est pas le hasard, Votre Seigneurie le souffrira-t-elle ?

— Il m’importe assez peu, dit-elle, que ce soit le hasard ou l’attraction magnétique, comme vous le diriez peut-être, qui vous amène dans ce pays ; je désire seulement savoir quel est le hasard qui vous a fait devenir accordeur de pianos.

— Le hasard de l’inspiration, signora ; le premier prétexte m’était bon pour m’introduire ici.

— Mais pourquoi vous introduire ici ?

— Je répondrai sincèrement si Votre Seigneurie daigne me dire auparavant quel est le hasard qui l’a déterminée à m’y laisser pénétrer, bien qu’elle m’eût reconnu au premier coup d’œil.

— Le hasard de la fantaisie, seigneur Lélio. Je m’ennuyais en tête à tête avec mon cousin, ou avec une vieille