Page:Sand - La dernière Aldini. Simon.djvu/95

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tante dévote que je connais à peine ; et, tandis que l’un est à la chasse et l’autre à l’église, j’ai pensé que je pourrais égayer par une folie la maussade solitude où on me laisse languir.

Mon fauteuil se rapprocha de lui-même, et j’hésitai à prendre la main de la signora. Elle me paraissait effrontée en cet instant. Il y a des jeunes filles qui naissent femmes, et qui sont corrompues avant d’avoir perdu leur innocence. Celle-ci est bien un enfant, pensais-je, mais un enfant ennuyé de l’être, et je serais un grand sot de ne pas répondre à des agaceries faites avec tant de sang-froid et de hardiesse. Ma foi, tant pis pour le cousin ! Pourquoi aime-t-il la chasse plus que sa cousine ?

Mais la signora ne fit aucune attention à l’agitation qui s’emparait de moi, et elle ajouta :

— Maintenant la farce est jouée ; nous avons mangé le gibier de mon cousin, et j’ai parlé avec un acteur. Voilà ma tante et mon prétendu mystifiés. La semaine dernière, mon cousin était furieux, parce que, selon lui, je faisais votre éloge avec trop d’enthousiasme. Maintenant, quand il me parlera de vous, et quand ma tante dira que les acteurs sont tous excommuniés en France, je baisserai les yeux d’un air modeste et béat, et je rirai en moi-même de penser que je connais le seigneur Lélio, et que j’ai déjeuné avec lui, ici même, sans que personne s’en doute. Mais maintenant il vous reste, monsieur Lélio, à me dire pourquoi vous avez voulu vous introduire ici à l’aide d’un faux rôle ?

— Pardon, signora… vous avez dit un mot qui me frappe beaucoup… Vous avez fait la semaine dernière mon éloge avec enthousiasme ?

— Oh ! c’était uniquement pour faire enrager mon cousin. Je ne suis point enthousiaste de ma nature.

Lorsqu’elle me raillait, je reprenais goût à l’aventure et j’étais prêt à m’enhardir.

— Puisque vous êtes si sincère