Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/130

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Un événement des plus positifs acheva de me rendre la notion du réel. Nous faisions halte dans un îlot, sous l’abri d’une magnifique grotte de rochers ; nous étions sortis du chenal glacé de la banquise. Mon oncle descendit du traîneau qui marchait devant moi ; je me hâtai de regarder le personnage qui sortait du traîneau qui marchait devant lui, et, en voyant la taille et les traits d’un affreux nain taillé en hercule tronqué, je ne pus m’empêcher de rire tristement de moi-même. Je demandai intérieurement pardon à Laura d’avoir vu son spectre sous cette grotesque figure d’Esquimau, et j’attendis qu’on vînt me délier ; car j’étais bien véritablement garrotté par de solides courroies à mon lit ambulant.

― Eh bien, me dit gaiement mon oncle pendant que nos gens allumaient le feu et préparaient le repas, comment te sens-tu maintenant ?

― Je ne me suis jamais mieux porté, lui répondis-je, et je crois que je vais manger de grand appétit.

― Ce sera donc la première fois, depuis deux