Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/195

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retrouver telle que je suis, petite, simple, ignorante, un peu bourgeoise, et blaisant la romance du Saule. Hors du cristal, tu n’as que de l’amitié pour moi, parce que tu me sais bonne garde-malade, patiente avec tes hallucinations et véritablement dévouée. Cela suffira-t-il à te rendre heureux, et faut-il que je rompe mes fiançailles avec Walter, qui, sans être amoureux de moi, m’accepte telle que je suis, et ne demande qu’à trouver dans sa femme une inférieure à protéger ? Songe à la difficulté, à la responsabilité du rôle que ton inégal enthousiasme m’attribue. À travers ton prisme magique, je suis trop ; à travers ta prunelle dessillée et fatiguée, je suis trop peu. Tu fais de moi un ange de lumière, un pur esprit et je ne suis pourtant qu’une bonne petite personne sans prétentions. Réfléchis : je serais malheureuse de passer toujours avec toi de l’empyrée à la cuisine. N’y a-t-il pas une limite possible entre ces deux extrêmes ?

― Laura, répondis-je, tu parles avec ton cœur et ta raison, et je sens que tu es à cette limite