Page:Sand - Laura - Voyages et impressions.djvu/354

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C’est la progression du grand tout qui s’accomplit à son propre insu, et dont la sainte ignorance est la base de toute sécurité dans l’univers.

» Oui, oui, petit ruisseau, tu chantes et tu parles, et ce que tu dis, tu ne peux ni ne dois t’en rendre compte à toi-même, puisque ton moi est un avec l’infini ; et, comme tu ne peux ni ne sais réclamer les honneurs de l’existence individuelle, c’est à nous de te la donner dans nos pensées et par nos soins. Nous te devons un nom, pour distinguer ta beauté et ton utilité particulières de celles de tous tes frères. Nous te devons de respecter l’ombrage qui protège ta source. Impie serait la main qui abattrait tes vieux chênes ou qui briserait ta roche protectrice ! Tu chantes et tu parles/ brutal et maudit serait le pied qui dérangerait ta grosse pierre et tes jolis cailloux, confidents des mystérieuses paroles de ta chanson. Nous te devons plus encore, nous t’écouterons tant que tu voudras causer avec nous, et toi, généreux sans effort et sans mérite, tu le voudras, tant qu’une goutte d’eau s’épanchera de ta petite coupe.