Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/123

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avait été bien avertie que, si le prince lui jetait le mouchoir, nous ne voulions être ni confidents ni témoins.

Le prince fut plus fin que de cacher ses amours, il s’abstint de toute galanterie. Il nous voulait dispos et en possession de tous nos moyens ; il ne voulut pas mettre le trouble dans notre intérieur, et nous lui en sûmes beaucoup de gré. Nous lui avons dû un mois de bonheur sans nuage. J’ai besoin de me le rappeler pour vous parler de lui avec justice. Combien nous étions loin de prévoir par quelle horrible tragédie nous devions payer sa splendide hospitalité !

Il faut pourtant que j’arrive à ce déchirement, à cette scène atroce dont le souvenir me fait toujours venir une sueur froide à la racine des cheveux. Nous avions rempli notre engagement. Nous avions joué Phèdre, Athalie, Polyeucte et Cinna. Le prince tint ses promesses et nous fit riches. En réglant avec nous, il nous montra une lettre de Constantinople où on lui apprenait que Zamorini était parti pour la Russie. Cet exploiteur nous faussait compagnie, nous étions dégagés envers lui. Il laissait à notre charge le voyage que nous avions fait,