Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/18

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nous sembla que nos matelots cherchaient à regagner le large. Nous nous impatientions contre eux, nous voulions aborder n’importe où ; nous avions assez de la mer et de notre étroite embarcation. Léon nous calma en nous disant qu’il valait mieux louvoyer toute une nuit que d’approcher des mille écueils semés le long de l’Adriatique. On se résigna. Je m’assis avec Léon sur les ballots, et nous nous entretînmes de la nécessité d’arranger beaucoup de pièces de théâtre pour la campagne que nous allions faire. Nous avions moins de chances qu’en Italie de rencontrer des artistes de renfort, et notre personnel me semblait bien restreint pour les projets de Bellamare.

— Bellamare a compté sur moi, me répondit Léon, pour un travail de mutilation et de remaniement perpétuel, et j’ai accepté cette horrible tâche. Elle n’est pas difficile. Rien n’est si aisé que de gâter un ouvrage ; mais elle est navrante, et je me sens si attristé, que je donnerais pour un fétu le reste de ma vie.

J’essayai de le consoler ; mais notre causerie était à chaque instant brisée. La mer devenait détestable, et les mouvements de nos matelots nous forçaient