Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/19

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de nous déranger sans cesse. Vers minuit, le vent se mit à pirouetter, et il nous fut avoué qu’il était impossible de gouverner avec certitude.

Le patron commençait à perdre la tête ; il la perdit complètement quand une secousse, d’abord légère, suivie d’une secousse plus forte, nous avertit que nous touchions les récifs. Je ne sais s’il eût été possible de jeter l’ancre pour attendre le jour ou de faire toute autre manœuvre pour nous sauver ; quoi qu’il en soit, l’équipage laissa l’Alcyon s’engager dans les écueils. Le pauvre esquif n’y prit pas de longs ébats ; un choc violent accompagné d’un craquement sinistre nous fit rapidement comprendre que nous étions perdus. La cale commença de se remplir, la proue était éventrée. Nous fîmes encore quelques brasses, et nous nous trouvâmes subitement arrêtés, pris entre deux roches, sur l’une desquelles je m’élançai ; portant Impéria dans mes bras, Mes camarades suivirent mon exemple et sauvèrent les autres femmes. Bien nous en prit de songer à elles et à nous-mêmes, car le patron et ses aides ne songeaient qu’à leurs marchandises, et tâchaient vainement d’en opérer le sauvetage sans s’occuper de nous. La tartane, arrêtée par les récifs, bondis-