Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/183

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de savoir dans quel pays nous étions et sans songer à m’en enquérir.

— J’avouerai la même chose, dit Impéria, et Léon a été plus longtemps, je le parie.

— Savez-vous, reprit Léon, que nous avons peut-être rêvé ce naufrage ? Qui peut jurer que ce qu’il voit et entend soit réel ?

— J’ai ouï parler, dit Bellamare, d’une croyance, d’une métaphysique ou d’une religion de l’antique Orient qui enseignait que rien n’existe, excepté Dieu. Notre passage sur la terre, nos émotions, nos passions, nos douleurs et nos joies, tout cela n’était que vision, effervescence de je ne sais quel chaos intellectuel : monde latent qui aspirait à être, mais qui retombait sans cesse dans le néant, pour se perdre dans la seule réalité, qui est Dieu.

— Je ne comprends rien à ce que vous contez là, dit Régine ; mais je vous jure que je n’ai pas rêvé la faim et la soif sur l’écueil maudit. Toutes les fois que j’y pense, j’ai comme une cloche en branle dans l’estomac.

Nous arrivâmes à Trieste sans avoir retrouvé l’écueil. Là, nous fîmes des recherches et des questions. À l’inspection des cartes détaillées, nous pen-