Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/204

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répondons en riant que nous allons pour ne pas nous arrêter, et notre avenir est toujours plein de fantômes qui rient plus fort que nous. Le découragement ne nous prend que quand nous ne pouvons plus compter sur le hasard. Ne me dis donc pas que je suis folle. Je le sais bien, puisque je suis devenue actrice, et tu es fou aussi, puisque tu t’es fait acteur. Il t’a fallu une idole, il m’en avait fallu une avant de te connaître ; nous nous sommes rencontrés trop tard.

Il me sembla qu’elle avait raison, et je ne discutai plus, je fus même embarrassé quand elle me demanda où nous en serions, si j’avais réussi à me faire aimer d’elle.

— Est-ce que tu es libre ? Est-ce que tu n’appartiens pas à un devoir, à un pays, à un père, à un travail différent du nôtre ? N’as-tu pas fait une grande folie de t’attacher à nous, qui n’avons plus ni pays, ni famille, ni devoir en dehors de notre bercail ambulant ? Ne nous as-tu pas préparé un immense chagrin en nous donnant quelques années de ta jeunesse, sachant que tu serais forcé de te reprendre ? Que ferais-tu de moi à cette heure, si j’étais ta compagne ? J’ignore si tu as réel-