Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/209

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suivais machinalement les petits remous contre la pierre, sans me souvenir de moi-même.

— Mon enfant, me dit-il en s’asseyant près de moi, veux-tu, peux-tu me raconter ce qui s’est passé entre elle et toi ? Crois-tu devoir me le dire ? Je n’ai pas le droit de la questionner, je te le répète ; n’ayant jamais été épris d’elle, je ne suis pas autorisé à lui demander une réponse catégorique comme celle que tu viens d’exiger. Elle vient de me dire, comme toujours, qu’elle ne voulait pas aimer, et… je te dois la vérité, elle a tant de chagrin, qu’il me semble qu’elle t’aime malgré elle. Il faut qu’il y ait un obstacle qu’il m’est impossible de deviner. Si c’est un secret qu’elle t’a confié, ne me le dis pas ; mais, si c’est une simple confidence, prends moi pour conseil et pour juge. Qui sait si je ne vaincrai pas l’obstacle et si je ne te rendrai pas l’espérance ?

Je lui racontai tout ce qu’elle m’avait dit. Il rêva, questionna encore, chercha consciencieusement et ne trouva rien qui pût expliquer le mystère. Il en fut même dépité ; lui si intelligent, si expérimenté, si pénétrant, il voyait devant lui, disait-il, une statue voilée avec une inscription indéchiffrable.