Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/211

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ne fût-ce que par la confiance réciproque et la certitude de se rejoindre. Va-t’en donc tranquillement, rien n’est changé à ta situation ; ce doute que tu as supporté trois ans, tu peux bien le supporter encore trois semaines, car je te réponds de savoir ton sort au plus tard au bout de ce temps-là.

Cet admirable ami réussit à me rendre un peu de courage, et je partis sans revoir Impéria ni les autres, pour ne pas perdre le peu d’énergie qui me restait. Quand je fus de retour chez moi, je lui écrivis pour le prier de me ménager, s’il acquérait la certitude de mon malheur. Dans ce cas-là, lui disais-je, ne m’écrivez rien. J’attendrai ; je perdrai peu à peu et sans secousse ma dernière espérance. J’ai attendu trois semaines, j’ai attendu trois mois, j’ai attendu trois ans. Il ne m’a pas écrit. J’ai cessé d’espérer…

J’ai eu une consolation : mon père a repris la santé ; il n’est plus menacé d’apoplexie, il est calme, il me croit heureux, et il est heureux.

J’ai abjuré tous mes rêves d’artiste, et, voulant en finir avec les regrets, je me suis fait franchement ouvrier. J’ai travaillé à redevenir le paysan que j’aurais dû être. Je n’ai jamais reproché à mon père