Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/285

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ner. J’avoue qu’en voyant l’ivresse de Laurence et en l’entendant faire les projets d’un millionnaire amoureux qui veut combler son idole, je pensai avec un certain serrement de cœur à la pauvre petite comédienne qui s’en allait, sans gants et presque sans manteau, sur la neige des chemins, à la recherche d’un cruel travail, avec son talent, ses nerfs, sa volonté, son sourire et ses larmes de commande pour tout capital, pour tout avenir. Jusque-là, j’avais impitoyablement travaillé pour sa rivale. Je me surpris à trouver celle-ci trop facilement heureuse. Resté seul, je ne pus me rendormir. J’étais en proie à je ne sais quelle incertitude, et je me demandais si j’avais eu le droit d’agir comme je l’avais fait.

Je m’habillai, et, comme je regardais le lever d’un beau soleil d’hiver par ma fenêtre, je vis dans la cour un homme enveloppé d’une peau de bique et coiffé d’un bonnet de laine, qui ressemblait à un marinier de la Seine et qui me faisait des signes. Je descendis, et, le voyant de près, je reconnus Bellamare.

— Conduisez-moi, me dit-il, chez madame de Valdère ; il faut que je lui parle à l’insu de Lau-