Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/328

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trop grand personnage intellectuel pour travailler à une bonne action dont j’aurais recueilli le fruit. J’étais dans l’âge des hautes ambitions, des rancunes amères et des illusions folles. « À quoi bon, me disais-je, me consacrer au bonheur d’une femme, quand toutes les autres doivent m’en donner ? » C’est ainsi que raisonne la présomptueuse jeunesse. J’arrive à l’âge mûr, et je vois que, dans les autres milieux, les femmes ne valent pas mieux que dans le nôtre. Si elles ont plus de prudence et de retenue, elle ont moins de dévouement et de sincérité. Les fautes qu’Anna a commises, elle eût pu ne pas les commettre, si j’eusse été patient et généreux ; à présent, cette fille égarée est une tendre mère, si tendre, si courageuse, si touchante, que je lui pardonne tout ! Je ne suis pas bien sûr d’être le père de son enfant, n’importe ! Si je rentrais dans le monde, épouser avec ce doute serait ridicule et scandaleux. Dans la vie que nous menons, c’est une bonne action : d’où je conclus que, pour moi, le théâtre sera plus moral que le monde. Donc, j’y reste et je m’y enchaîne sans retour. Bellamare, tu m’as souvent reproché d’avoir profité de la faiblesse d’une enfant et de l’avoir dé-