Page:Sand - Le Beau Laurence.djvu/44

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et je n’aimerai jamais que vous dans l’éternité.

Je ne sais pas ce que je lui dis encore, j’avais le délire. Il me semble que je lui parlai longtemps et d’une voix forte qui n’éveilla personne. Bellamare, habillé en Crispin, était immobile et inerte à côté de nous ; Léon, en costume russe, avait la tête sur les genoux de Marco, enveloppé d’une toge romaine. Je les regardai avec hébétement.

— Voyez, dis-je à Impéria, la pièce est finie ! tous les personnages sont morts. C’était un drame burlesque ; nous allons mourir aussi, nous deux ; c’est pour cela que je vous dis le secret, le grand secret de mon rôle et de ma vie. Je vous aime, je vous aime éperdument, je vous aime à en mourir, et j’en meurs.

Elle ne me répondit pas et pleura. Je devins fou.

— Il faut que cela finisse, lui dis-je en riant.

Et je voulus la lancer dans la mer ; mais je perdis connaissance, et des deux jours qui suivirent je n’ai conservé qu’un vague souvenir. Il n’y eut plus ni gaieté, ni colère, ni tristesse ; nous étions tous mornes et indifférents. La mer nous apporta quelques épaves chargées de misérables anatifes qui nous empêchèrent de mourir de faim et que nous