Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/169

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— Je te prouverai le contraire, fille généreuse et charmante ! je ne ferai que ce que tu voudras.

On nous appela pour commencer l’acte suivant. Célio, qui surveillait ordinairement d’un œil inquiet et jaloux le moindre mouvement de ses sœurs, n’avait pas remarqué notre absence. Il était en proie à une agitation extraordinaire. Son rôle paraissait l’absorber. Il le termina de la manière la plus brillante, ce qui ne l’empêcha pas d’être sombre et silencieux pendant le souper et l’intéressante causerie du marquis, qui se prolongea jusqu’à trois heures du matin.

Je m’endormis tranquille, et je n’eus pas le moindre retour sur moi-même, pas l’apparence d’inquiétude, d’hésitation ou de regret, en m’éveillant. Je dois dire que, dès le matin du jour précédent, les deux cent mille livres de rente de mademoiselle de Balma m’avaient porté comme un coup de massue. Epouser une fortune ne m’allait point et dérangeait les rêves et l’ambition de toute ma vie, qui était de faire moi-même mon existence et d’y associer une compagne de mon choix, prise dans une condition assez modeste pour qu’elle se trouvât riche de mon succès.

D’ailleurs, je suis ainsi fait, que l’idée de lutter contre un rival à chances égales me plaît et m’anime, tandis que la conscience de la moindre infériorité dans ma position, sur un pareil terrain, me refroidit et me guérit comme par miracle. Est-ce prudence ou fierté ? je l’ignore ; mais il est certain que j’étais, à cet égard, tout l’opposé de Célio, et, qu’au lieu de me sentir acharné, par dépit d’amour-propre, à lui disputer sa conquête, j’éprouvais un noble plaisir à les rapprocher l’un de l’autre en restant leur ami.

Cécilia vint me trouver dans la journée.— Je vais