Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/176

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méchant et brutal à faire plaisir. Je me laissai presque insulter par lui ; mais le soir j’ignore ce qui s’était passé. Il me parut plus calme et me demanda pardon de sa violence, ce que je lui accordai fort généreusement.

Je dirai encore quelques mots de notre théâtre avant d’arriver au dénoûment, que le lecteur sait d’avance. Presque tous les soirs nous entreprenions un nouvel essai. Tantôt c’était un opéra : tous les acteurs étant bons musiciens, même moi, je l’avoue humblement et sans prétention, chacun tenait le piano alternativement. Une autre fois, c’était un ballet ; les personnes sérieuses se donnaient à la pantomime, les jeunes gens dansaient d’inspiration, avec une grâce, un abandon et un entrain qu’on eût vainement cherchés dans les poses étudiées du théâtre. Boccaferri était admirable au piano dans ces circonstances. Il s’y livrait aux plus brillantes fantaisies, et, comme s’il eût dicté impérieusement chaque geste, chaque intention de ses personnages, il les enlevait, les excitait jusqu’au délire ou les calmait jusqu’à l’abattement, au gré de son inspiration. Il les soumettait ainsi au scénario, car la pantomime dont il était le plus souvent l’auteur, avait toujours une action bien nettement développée et suivie.

D’autres fois, nous tentions un opéra comique, et il nous arriva d’improviser des airs, même des chœurs, qui le croirait ? où l’ensemble ne manqua pas, et où diverses réminiscences d’opéras connus se lièrent par des modulations individuelles promptement conquises et saisies de tous. Il nous prenait parfois fantaisie de jouer de mémoire une pièce dont nous n’avions pas le texte et que nous nous rappelions assez confusément. Ces souvenirs indécis avaient leur charme, et, pour les enfants qui ne connaissaient pas ces pièces, elles avaient l’attrait de la création. Ils les concevaient, sur un simple exposé