Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/38

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la conscience de leur force. Si je rencontre Célio Floriani, je veux faire connaissance avec lui. Me permettez-vous de me recommander de Votre Seigneurie ? Nous sommes tous deux vos protégés.

La duchesse brisa son éventail et sortit sans me répondre. Je sentis que sa souffrance me faisait mal ; mais c’était le dernier tressaillement de mon cœur pour elle. Je m’élançai dans les couloirs qui menaient au théâtre, résolu, en effet, à porter mon hommage à Cécilia Boccaferri.



III.

CÉCILIA.


Mais il était écrit au livre de ma destinée que je retrouverais Célio sur mon chemin. J’approche de la loge de Cécilia, je frappe, on vient m’ouvrir : au lieu du visage doux et mélancolique de la cantatrice, c’est la figure enflammée du débutant qui m’accueille d’un regard méfiant et de cette parole insolente : — Que voulez-vous, Monsieur ?

— Je croyais frapper chez la signora Boccaferri, répondis-je ; elle a donc changé de loge ?

— Non, non, c’est ici ! me cria la voix de Cécilia. Entrez, signor Salentini, je suis bien aise de vous voir.

J’entrai, elle quittait son costume derrière un paravent. Célio se rassit sur le sofa ; sans me rien dire, et même sans daigner faire la moindre attention à ma présence, il reprit son discours au point où je l’avais interrompu. À vrai dire, ce discours n’était qu’un monologue. Il procédait même uniquement par exclamations et malédictions, donnant au diable ce lourd et stupide parterre d’Allemands, ces buveurs, aussi froids que leur