Page:Sand - Le Château des désertes - Les Mississipiens, Lévy, 1877.djvu/83

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peu parce que j’avais quelques renseignements vagues sur le pas&age récent de Célio dans la contrée que je parcourais. Mon vetturino vit que je ne savais pas bien où je voulais aller, et comme il avait envie d’aller à Briançon, il prit naturellement la route de Suse et d’Exille, traversa la frontière avec la Doire, et me fit entrer dans le département des Hautes-Alpes par le Mont-Genèvre.

Comme nous approchions de Briançon, il me demanda si je ne comptais pas m’y arrêter quelques jours, du ton d’un homme décidé à m’y contraindre. Et, comme j’hésitais à lui répondre avant d’avoir bien pénétré son dessein, il m’annonça que son plus jeune cheval était malade, qu’il ne mangeait pas, et qu’il craignait bien d’être forcé de voir un vétérinaire pour le faire saigner. Je descendis de voiture et j’examinai le cheval : il avait l’œil pur, le flanc calme ; il n’était pas plus malade que l’autre.

— Mon ami, dis-je à maître Volabù (c’était le nom de mon voiturin), je te prie d’être sincère avec moi. Tu cherches un prétexte pour t’arrêter, et moi je n’ai pas de raisons pour t’attendre. Je ne tiens pas plus longtemps à ton voiturin que tu ne tiens à ma personne. Que j’arrive à Briançon, c’est tout ce que je demande. Là, je penserai à ce que je veux faire, et j’aurai sous la main tous les moyens de transport désirables. Si tu l’obstinés à me laisser ici (nous n’étions plus qu’à cinq lieues de Briançon), je m’obstinerai peut-être de mon côté à le faire marcher, car je t’ai pris pour huit jour. Sois donc franc, si tu veux que je sois bon. Tu as ici, aux environs, une affaire de cœur ou d’argent, et c’est pour cela que ton cheval ne mange pas ? Le brave homme se mit à rire, puis il secoua la tête d’un air mélancolique : — Je ne suis plus de la première jeunesse, dit-il, ma femme a dix-huit ans, et j’aurais été bien aise de la surprendre ;