Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/159

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il montrait de repentir de sa jalousie, plus cette jalousie me paraissait innocente et naturelle.

Je fus presque tenté de gronder Félicie quand nous fûmes seuls ensemble. Elle avait été trop dure, elle m’avait fait un rôle de maître et de juge qui n’allait pas à la douceur de mes instincts. Elle s’y était prise de façon à me rendre haïssable, ridicule peut-être, moi qui ne voulais régner sur elle et sur les siens que par la persuasion. À coup sûr, elle s’était trompée en attribuant à ce jeune homme une sorte d’amour offensant et déplacé. Ne s’était-elle pas confessée d’avoir exploité cette supposition pour me passionner davantage ?

— Voyons, chère fiancée, lui dis-je, il serait bien nécessaire de ne pas me bouder en ce moment décisif de notre vie. Vous voilà redevenue mystérieuse comme au temps où j’avais peur de votre sourire triste et hautain. Je sais, je vois et je sens qu’hier, pour la première fois, je vous ai blessée. Est-ce une raison pour briser votre cœur en me faisant un sacrifice que je ne demande pas ? Vous aimez Tonino, vous avez le devoir autant que le besoin et l’habitude de l’aimer. Justifiez-le complétement, s’il n’est pas coupable, et, s’il l’est, pardonnez-lui avec la tranquillité d’une âme pure que ne peuvent jamais troubler les pensées d’un esprit égaré. Parlez-moi de lui comme s’il était notre fils à tous deux. Empêchez-moi d’être trop confiant, empêchez-moi aussi d’être injuste. Ne laissez pas sur tout cela je ne sais quel voile, et, si