Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/200

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— L’idée de vous dire : « Voilà une fille très-recherchée par des gens plus riches et plus jeunes que moi, et je veux être aimé d’elle. Je veux, par amour-propre, être préféré à tous les autres, à son cousin par exemple ! »

— Son cousin ?

— Oui, Tonino Monti, qui avait si longtemps compté être son mari, et qui a fait par dépit un autre mariage, ce qui ne l’empêche pas de regretter toujours la bourgeoise et d’être toujours envieux de votre bonheur. Félicie sait bien ça, elle ! voilà pourquoi elle ne veut pas le voir devant vous.

— Vous vous trompez, Sixte ! Nous voyons assez souvent Tonino, et ce que vous supposez sur le compte de notre cousin est aussi absurde que le sot amour-propre que vous m’attribuez.

— Comme vous voudrez ! Alors, vous avez épousé mademoiselle Morgeron par amour ?

— Et par amitié.

— On est donc encore amoureux à cinquante ans ?

— Certainement oui.

— Et, dans dix ans d’ici, je serai encore amoureux de votre femme ?

— Vous vous disiez guéri !

— Je mentais ; c’est-à-dire… il y a des jours où je le suis, et des jours où je ne le suis pas. Cela dépend de choses qui me tourmentent trop, puisqu’elles ne me regardent pas, et qui ne vous tourmentent pas assez, vous qui devriez les empêcher.