Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/199

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j’étais jaloux de lui. C’est de l’injustice, mais c’est ainsi. Quelque jour je me confesserai à lui, j’y serai forcé par quelque chose de bon et d’honnête qui est en moi, et ça ne m’empêchera peut-être pas de le mal juger encore, car il y a aussi en moi quelque chose de méchant, et cette chose-là, dont je rougis et dont je souffre, c’est l’amour que j’ai eu pour sa femme. » Cet amour-là est passé, ajouta-t-il en voyant que j’attendais pour lui répondre un plus complet développement de sa pensée. Je n’aime plus du tout Félicie, je n’ai pas besoin de vous dire pourquoi, vous le saurez un jour ou l’autre. Vous pouvez donc me répondre franchement que vous me pardonnez d’avoir eu de l’humeur, et que vous n’en avez point contre moi.

— J’ai eu de l’amitié pour vous, lui répondis-je ; j’en avais encore, puisque je vous pardonnais dans mon cœur, sans attendre vos excuses. À présent que vous avez eu le courage de rompre la glace, je vous estime davantage, et suis certain, quoi que vous en disiez, que vous ne reviendrez pas à vos injustices.

— Voyons ! s’écria-t-il, étais-je tout à fait injuste ? N’êtes-vous pas un drôle d’homme d’avoir épousé mademoiselle Morgeron ? On a dit dans le pays : « C’est pour l’argent ! » Je l’ai dit aussi, sans le croire ; mais j’ai pensé que c’était par une de ces idées que l’on a à votre âge et peut-être aussi au mien, car je ne suis que d’une dizaine d’années plus jeune que vous.

— Quelle idée ai-je donc pu avoir ? Expliquez-moi ça, maître Sixte !