Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/232

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aujourd’hui. L’idée d’être mangé aux chiens ou aux loups !…

— Vous ne voulez pas avouer que cela fait quelque chose aussi de n’avoir pas la bonne cause ?

— Je n’ai plus rien à dire ; vous pouviez m’achever, nous n’étions pas convenus de faire grâce.

— C’était sous-entendu de part et d’autre.

— Monsieur Sylvestre, vous valez mieux que moi. Adieu ! Je sais à présent que, si vous laissez vivre Tonino, ce ne sera pas couardise. Je tiendrai ma parole, vous pouvez être tranquille ; mais je n’ai pas promis de ne pas tuer Tonino, et gare à lui si je le trouve dans mes jambes pour quoi que ce soit ! Allez-vous-en. J’ai du chagrin d’avoir été humilié, il faut que je pleure !

Je m’en allai très-calme, et, aujourd’hui encore, quand je me souviens d’avoir failli étrangler un homme, un peu méchant il est vrai, mais non sans valeur morale et sans honneur instinctif, je ne me repens pas. J’avais bien réfléchi avant de contracter un second mariage. Je m’étais dit, comme la première fois, qu’il n’y a pas à jouer avec le serment par lequel on s’engage à protéger une femme. Il est profond, il a une mystérieuse extension, ce mot de protection que l’homme prononce et signe souvent sans en peser toutes les conséquences. Protéger, c’est défendre, préserver et venger. Sous la lettre de ce mot légal, il y a un sous-entendu qui en développe l’esprit jusqu’à l’illégalité. Plutôt que de laisser outrager sa femme, on doit tuer l’insulteur, et, comme avec un mot elle