Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/235

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lui disait en effet : « Vous n’eussiez pas pu l’empêcher. »

À ce sourire, Félicie répondait par un sourire terrible, affreux, que Vanina ne comprenait pas. Il devint clair pour moi que la rivale de Vanina avait horriblement souffert de voir Tonino épris de cette pauvrette, et que, le jour où Tonino avait dû lui dire : « Je n’ai jamais aimé que toi, » elle avait été enivrée et séduite.

Vanina était heureuse, elle était riche, et la maternité l’avait embellie merveilleusement. Ses enfants étaient superbes ; elle allaitait le dernier avec ostentation, elle montrait l’aîné avec orgueil ; Tonino les aimait avec une sorte de férocité. On eût dit qu’en les couvrant de caresses il était prêt à les dévorer. Je vis que, devant Félicie, il se retenait de les embrasser. Elle était mortellement jalouse de la maternité de Vanina. Elle comblait ces petits de soins et de présents, elle évitait de les regarder et ne leur donnait jamais un baiser.

Tonino aimait-il sa femme ? Pauvre misérable Félicie ! Vanina seule était aimée ! aimée réellement avec les sens et avec le cœur. Elle était trompée pourtant ; mais cette âpre jouissance de perversité n’eût pas suffi à l’âme avide et inquiète de Tonino, ou bien l’ivresse du mal était épuisée, et déjà Félicie en était à la jalousie qui persécute et importune ! Juste châtiment dont j’eus à rougir pour elle et dont elle ne sut pas me cacher l’amertume.