demeurer chez moi, et tu iras la voir de temps en temps. Elle y consentira. Tu lui parleras le langage qui m’a séduite, elle se croira adorée, elle croira triompher de moi, et c’est moi qui rirai d’elle !
— Très-bien, reprit Tonino avec ironie. Voilà qui est très-bien arrangé ! Et Sylvestre, qu’est-ce que nous en ferons ?
— Ah ! ne me parle pas de lui, vois-tu, ou je monte sur ce rocher et je me jette en bas.
— Tu vois bien qu’il t’est plus cher que la vie, plus cher que moi, et que ce serait à moi d’être jaloux ?…
— Et tu ne l’es plus ! C’est facile à voir à présent. Eh bien, moi…
— Toi, tu es jalouse par amour-propre ; mais, de l’affection, tu n’en as jamais eu pour moi.
— C’est possible. Pas plus que toi pour moi ! Qui sait ? C’est le vice qui nous a réunis, rien de plus.
— Tu dis des paroles atroces.
— C’est le fait qui est atroce ! Allons, va-t’en ! Je comprends mon sort. Je réparerai ma faute. J’aimerai mon mari, je t’oublierai.
Elle voulait s’éloigner, il la retint. Certes, il était rassasié et fatigué d’elle, et il eût rompu avec empressement, si un intérêt sordide n’eût couvé sous cette passion sensuelle. Il fit sans doute un grand effort pour secouer la lassitude de son esprit et l’épuisement de son cœur. Il lui parla avec ce mélange d’éloquence et de prosaïsme qui lui était propre, et dont mon récit ne peut se permettre de vous