Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/263

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rendre les charmes et les platitudes. J’en retranche autant que possible les côtés cyniques, les mots enfiévrés, tantôt exaltés, tantôt choquants, toujours dangereux ou avilissants pour la femme qui les écoute ou qui les accepte. Sans doute il étudiait dans la rougeur ou dans la pâleur de Félicie l’effet irritant ou adoucissant de son argumentation hachée, absurde, tantôt révoltante, tantôt spécieuse.

La conclusion de cet entretien, qui devait dénouer la situation et qui la renoua plus étroitement, fut qu’il fallait patienter et attendre. Attendre… quoi ? La réponse était fatale. Il fallait espérer ma mort et celle de Vanina. J’étais encore jeune et bien constitué, mais je m’exposais souvent dans les glaciers ; il ne fallait qu’une petite pierre, une brindille, moins que cela, une distraction d’une seconde pour me faire glisser et disparaître. Je bravais, d’ailleurs, mille autre périls journaliers ; j’étais très-humain et aussi très-enfant ! Je me serais jeté à l’eau pour sauver une fourmi. Avec ce caractère-là, j’avais bien des chances pour rencontrer la mort. Ma bonne santé elle-même impliquait un danger. Ceux qui, comme moi, n’avaient jamais fait de maladie étaient souvent emportés par la première atteinte. Il ne fallait qu’un refroidissement ou un coup de soleil. Je ne prenais aucune précaution. C’était imprudent à mon âge ! la vie tient à si peu de chose ! On ne devrait jamais s’effrayer de la longue durée des liens qui pèsent ; il n’y a rien qui dure. Tout ce qu’on peut raisonnable-