Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/330

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et craignait une réaction violente. Il craignait aussi autre chose ; quand nous revînmes du cimetière, il me parla ainsi :

— Je n’ai pu cacher aux autorités légales la cause de la mort. Non-seulement vous, mais encore toutes les personnes qui entouraient et servaient cette pauvre femme sont tellement à l’abri du soupçon, que l’on a consenti à me laisser attribuer cette mort à une attaque d’apoplexie foudroyante, dont, au reste, l’aspect du cadavre offrait les symptômes frappants. Je m’engage sur l’honneur à ne dévoiler le secret du suicide que dans le cas où la justice croirait devoir faire des recherches ultérieures. Cela n’arrivera pas, si quelque personne malintentionnée ne s’en mêle pas ; mais je crois Tonino capable de tout. Il faut que vous lisiez la lettre que votre femme lui a écrite au moment de se tuer. Je l’exige pour vous, pour moi, pour la vérité. Dans ce dernier écrit, elle doit avoir exprimé sa résolution de mourir ; c’est une preuve de votre innocence dont vous ne devez pas vous dessaisir pour la mettre dans les mains d’un homme qui sera votre ennemi, s’il croit n’y rien risquer, et si son intérêt l’exige.

Le nom de Tonino me fit hausser les épaules.

— Tonino étant le seul héritier de ma femme, répondis-je, ne deviendrait mon ennemi qu’en cas de contestation de ma part, et il n’en sera pas ainsi.

— Et pourquoi donc ? Votre femme doit avoir pris des dispositions pour vous assurer sa fortune ou tout au moins l’usufruit.