Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/78

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— Si fait, dit-elle, vous pensiez ! C’est un bonheur pour vous de penser, je le sais. Vous n’avez besoin de personne pour être heureux, vous. Le bonheur des autres fait bien votre occupation, mais non pas votre tourment, et le contentement de votre conscience vous suffit.

— N’êtes-vous pas comme moi ?

— Non, non, vous vous trompez. Vous ne me connaissez pas. Je voudrais que quelqu’un, ne fût-ce qu’une seule personne au monde, me rendît justice et comprît ce que je souffre.

— Vous souffrez donc quelquefois ? Je le pensais, je croyais le deviner ; mais vous ne vouliez pas qu’on eût l’air de l’apercevoir, et c’est la première fois que vous en convenez.

— Il faut bien que j’en convienne, puisque j’étouffe. Le courage a un terme, vous l’avez dit. Je suis au bout du mien !

Et, comme je gardais le silence, elle ajouta avec une sorte de gaieté amère :

— Mais cela vous est bien égal, n’est-ce pas ?

— Non, certes, répondis-je, et je voudrais vous faire quelque bien ; mais je vous sais si ombrageuse, si prompte à reprendre votre confiance, si portée à contredire les autres et vous-même, que je n’oserai jamais vous faire de questions.

— Ainsi, je suis un être impossible ? Dites-le, voyons, je suis venue vous trouver pour vous le faire dire !