Page:Sand - Le Dernier Amour, 1882.djvu/86

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meriez-vous un homme assez peu sérieux pour vouloir vous posséder au prix de son repos et du vôtre ?

— Vous parlez de repos à quelqu’un qui ne sait pas ce que c’est. Depuis que je suis au monde, je ne me suis pas reposée une heure.

— C’est le tort que vous avez eu. Que l’on ne repose pas son corps, c’est bon quand il ne l’exige pas ; mais il faut reposer son esprit et son cœur dans un lit de vérité et dans un bain de charité. Sans cela, on devient fou, et les fous sont toujours nuisibles.

— Ainsi j’avais raison en commençant : on ne peut pas m’aimer parce que je ne suis pas aimable ?

— Pourquoi vous cacherais-je la vérité, puisqu’elle est utile ? Rendez-vous aimable et connaissez enfin le bonheur d’être aimée.

— Pourtant il y a ce pauvre Tonino qui m’aime telle que je suis, vous l’avez dit !

— Je le répète ; mais il vous aime avec son instinct, et vous ne lui en tenez pas compte, puisque vous voilà désolée.

— C’est vrai, il me faudrait quelque chose de plus que l’amitié d’un bon chien. L’affection que j’ai rêvée jadis était plus complète et plus élevée que cela. J’y ai renoncé, voyant que je ne pouvais pas l’inspirer.

— N’y renoncez pas, modifiez-vous.

— Est-ce qu’on le peut ?

— À coup sûr, quand on est persuadé qu’il le faut.

— Je le suis à présent. J’essayerai.

Elle s’éloigna, et je l’eus bientôt perdue de vue