Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/157

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voler et piller ? — C’est égal, c’est une chipie, c’te dame de Noirac, de défendre comme ça son parterre ! Croit-elle pas qu’on veut le lui emporter ?

MONSIEUR CHARCASSEAU. — Mais si cette dame veut se livrer aux douceurs du sommeil, crois-tu que ce soit bien agréable pour elle d’entendre jacasser sous ses fenêtres ? Avec ça que quand vous vous y mettez, madame Paturon et toi !…

MADAME CHARCASSEAU. — C’est elle qui est une bavarde ! et des ragots ! Moi, on ne peut pas me reprocher ça ; je ne parle jamais de personne ; je n’aime pas à me mêler de ce qui ne me regarde pas.

MONSIEUR CHARCASSEAU. — Ulalie, ne chante donc pas comme ça ! Tu veux donc te faire remarquer ?

MADAME CHARCASSEAU. — Elle ne cherche qu’à se donner du ridicule ! Ulalie, tais-toi et retrousse-toi surtout. Tiens ! j’en étais sûre, voilà ta robe neuve tout abîmée ! Là ! on dirait d’une guenille, à présent ! Est-elle haïssable !

EULALIE. — Ah bah ! maman, je la repasserai ! Tu me grognes toujours ; tu m’amènes à la campagne pour me faire du bien, pour que je prenne de l’exercice, et tu ne veux pas que je bouge !

MONSIEUR MALASSY, à madame Paturon. — Il est certain que cette jeune personne aurait besoin d’air et d’exercice. Elle est éminemment lymphatique.

MADAME PATURON. — Ah mon Dieu ! qu’est-ce que vous me dites là ? Comment dites-vous ça ? Lym… est-ce que ça se gagne ? moi qui avais idée de la faire épouser à mon neveu !

MONSIEUR MALASSY. — Elle n’a pas grand avoir !

MADAME PATURON. — Mais c’est que Polyte n’a rien, lui ! Est-ce que ça passe aux enfants, cette maladie-là ?

MONSIEUR MALASSY. — Ordinairement.

MADAME PATURON. — Je ne m’étonne plus qu’on ne dise rien quand Polyte l’embrasse aux jeux innocents ! Pauvre Polyte, c’est qu’il n’a pas le sou, lui, voyez !

MONSIEUR MALASSY. — Bah ! vous lui ferez un sort, vous qui n’avez pas d’enfants !