Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/19

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Dites donc qu’une religion est un dogme interprété par une doctrine, laquelle est, à son tour, interprétée par un culte.

JACQUES. — Je le veux bien, et nous partirons de ce point… Mais la cloche du château nous avertit que l’heure est venue de dîner aussi dans notre maisonnette. Remettons-nous en chemin et examinons la nécessité du dogme…


MAURICE, DAMIEN, EUGÈNE, ÉMILE, sortant des broussailles.

EUGÈNE, à Ralph. — Pardon, monsieur ; mais, si vous n’avez pas absolument besoin du diable dans votre poche, je vous prierai de vouloir bien nous le rendre. Sa casaque rouge peut encore nous servir pour habiller un valet de comédie.

RALPH. — Ah ! mille pardons, monsieur ! Je me serais fait un plaisir de vous le reporter, et, pour ma récompense, je vous aurais demandé la permission d’être un de vos spectateurs privilégiés.

EUGÈNE, montrant Maurice. — Voici notre hôte, et je ne doute pas…

MAURICE. — Nous aurons un vrai plaisir à vous donner la comédie, ainsi qu’à M. Jacques, si vous nous promettez de ne pas vous y endormir.

JACQUES. — Ah ! cela vous regarde, messieurs ! Quand le public dort, ce n’est pas toujours sa faute.

MAURICE. — Nous n’admettons pas cela aisément, nous autres artistes ; mais nous l’admettrons pour vous, si vous nous faites l’honneur de nous écouter.

JACQUES. — Quel jour ?

DAMIEN. — Ah ! nous ne le savons pas ! Les acteurs sont en réparation, comme vous voyez.

JACQUES. — Quoi ! tous ? À quel formidable combat se sont-ils donc livrés ?

MAURICE. — Ce n’est pas cela. Ils étaient tous affligés d’un vice de conformation.

JACQUES. — Pourtant leur personne ne se compose que d’une tête et d’une paire de mains de bois ? Le reste n’est qu’une sorte de jupon ?