MAURICE. — Un instant ! nous parlons science, théorie, nous philosophons sur l’amour ; nous ne racontons pas, nous n’interrogeons pas, surtout. Monsieur Ralph, ne vous laissez pas distraire par les plaisanteries hors de saison de ce jeune homme frivole. Il est encore gris de ce matin !
RALPH. — Non ! je ne me laisse pas distraire. Je suis très-fort sur mon sujet, parce que j’ai une certitude.
MAURICE. — Voyons ! laquelle ! Eh bien, voilà monsieur le curé qui se lève ? Il aime mieux se faire étouffer par le brouillard et risquer d’aller coucher dans la mare verte que d’entendre prononcer un jugement sur les femmes ? Ah ! pasteur, voilà qui est mal. Si monsieur Ralph soutient une hérésie, personne ici n’est assez orthodoxe pour la culbuter, et vous nous abandonnez dans le péril le plus grand où des âmes chrétiennes se soient peut-être jamais trouvées !
LE CURÉ. — Mes enfants, vous êtes trop gais pour moi sur ce sujet-là. J’ai toute confiance dans la moralité de monsieur Ralph, et je vous laisse entre ses mains.
DAMIEN. — Non, je m’y oppose. Je vous ôte votre chapeau des mains et je me l’adjuge ! Tiens, je suis sûr que ça ne me va pas mal. Curé de mon cœur, ne vous en allez pas comme cela, ou nous fermons la discussion. Vous nous feriez croire que nous avons été inconvenants et que nous avons blessé vos chastes oreilles par quelque sot propos ! Pour mon compte, je ne crois pas…
LE CURÉ. — Non, non, mes enfants, vous n’avez rien dit, vous ne voudriez rien dire devant moi dont je dusse me scandaliser ; mais il se fait tard…
MAURICE. — Eh non, il n’est que neuf heures ! Attendez que le brouillard tombe. Vous êtes donc bien savant sur ce chapitre-là, que vous ne voulez plus rien entendre ? Après ça, peut-être… Oui, oui, le curé en sait plus long que nous tous et que monsieur Ralph lui-même ; il reçoit la confession des femmes, et il connaît tous les secrets petits et gros de sa paroisse.