Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/259

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allons tous deux à Noirac, vous y serez dans un quart d’heure et moi dans une heure. Dans une heure, mon cher ami, vous serez toujours le marquis de Mireville, et moi toujours Marigny ; mais je ne serai plus, à vos yeux et en dépit de vous-même, que Florence le domestique. Eh bien, cela m’est égal, je ne vous en veux pas, et je vous souhaite joie et santé. Adieu !

GÉRARD. — Attendez, attendez, Marigny, encore un mot Je vous estime, je vous aime, mon cher ! Ne me prenez pas pour un sot, cela me fait mal. Je suis moins fort que vous, mais j’ai du cœur, que diable ! Comptez toujours sur moi, entendez-vous ? Venez me voir.

FLORENCE. — À quoi bon ? Nous nous verrons tous les jours à Noirac. Je ne compte pas négliger mon jardin et ma serre !

GÉRARD. — Mais dites donc, Marigny, si vous étiez gêné, mon cher…

FLORENCE. — Gêné ? Du tout ; je travaille !

GÉRARD. — Bah ! est-ce que ça vous fâche que je vous offre ça ? Est-ce qu’autrefois vous ne l’eussiez pas accepté de moi comme moi de vous ? Vous voyez bien que je ne veux pas qu’il y ait rien de changé dans nos anciens rapports !

FLORENCE. — Merci, mon cher Mireville. Je vous sais gré de l’intention ; mais, sur l’honneur, je n’ai besoin de rien. Je ne me suis jamais trouvé plus riche que depuis que je suis pauvre.

GÉRARD. — Ah ! je comprends ça, moi ! Je suis probablement plus gêné que vous, et si je n’étais pas forcé de paraître, j’aurais pourtant si peu de besoins que je me trouverais bien libre et bien heureux !

FLORENCE. — Je sais que ce serait vous rendre service que de consommer votre ruine en la liquidant. Vous n’êtes pas le seul dans cette position !

GÉRARD. — C’est vrai, mon cher ; mais nous ne saurions pas travailler, nous autres !

FLORENCE. — Vous en auriez cependant bien la force, vous ?