Page:Sand - Le Diable aux champs.djvu/281

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MANICHE. — À la bonne heure, mon vieux. Je patienterai, si ça te revient sur le cœur ; mais comme ta peine me peine aussi, moi, tu seras bien mignon si tu t’en défends de ton mieux.

PIERRE. — Si je ne m’en défends point, il faudra me battre. Dame ! après ça, qu’est-ce que tu me devais dans ce temps-là ? rien du tout ! Et j’aime mieux que ce soit Cottin qu’un autre, parce que c’est un gars bien comme il faut. Tu ne l’as point affiné… Tu n’as point voulu m’affiner non plus. Ça me donne la preuve que tu ne m’affineras jamais, parce que tu ne saurais point mentir.

MANICHE. — Oh ! ma fine, la menterie, c’est la plus mauvaise marchandise du monde ! Ça ne sert de rien, les choses viennent toujours à se savoir, et ce qui a été caché reste toujours taché, au lieu que ce qui a été confessé est blanchi.

PIERRE. — C’est comme si la rivière y avait passé, quoi ? Allons, allons, ma grosse, viens danser sur la place. Entends-tu la musette qui descend au village ? Allons-nous-y en ! je me sens gai comme une alouette !

MANICHE. — Tu me prends donc toute la main aujourd’hui ?

PIERRE. — Eh dame ! nos bans sont publiés d’à ce matin, j’ai bien ce droit-là et je ne veux point le perdre. Hier, c’était seulement par le petit doigt que je pouvais te prendre ; mais nous voilà accordés ! Veux-tu mettre ton bras dans le mien ?

MANICHE. — Eh non ! ça, c’est pour après le second ban.

PIERRE. — Bah ! qu’est-ce que ça y fait ? Nous ne voulons point rompre, à c’te heure, pas vrai ?

MANICHE. — Je te donne mon bras dans le tien, en gage que non.

PIERRE. — Dis-donc, Maniche, j’ai une idée pour un cadeau que je veux te faire.

MANICHE. — Ah bah ! des cadeaux, mon vieux ! Il y en a bien assez quand on se marie. Vaut mieux ménager l’argent pour les enfants qui viendront.